L’Indonésie est un pays qui rassemble une diversité culturelle assez impressionnante. Pour cet article j’ai voulu me rapprocher de modes de vie alternatifs en m’aventurant dans des zones relativement difficiles d’accès.
C’est donc a Sulawesi que je me suis lance le pari de rencontrer les SukuBagio ou encore « les gitans de la mer ». Des rumeurs circulent, comme quoi ils seraient un des derniers peuples de la mer encore nomade et qu’ils partageraient les eaux avec des pirates … entre l’Indonésie, la Malaisie et les Philippines. Ouuuuuuuuhhhh !!
Arrivée a Makassar, j’essaie de prendre contact avec différents organismes, résultat pas vraiment concluant. Je comprends que si je veux rencontrer les Bajau (plusieurs orthographes) je vais devoir aller dans les Iles Togian. C’est la que je me remonte les manches et que j’applique un mot clé en Indonésie : SABAR = Patience. Je ne pensais pas en avoir autant !
Le periple : Makassar > Palu 1h de vol (je ne parle pas de l’attente et des bus pour l’aéroport, la recherche d’hôtel and co), puis Palu > Ampana 12h car les routes ferment toutes les 4h, cadeau ! Enfin une nuit a Ampana (port) pour enfin Ampana > Lebiti 5h. 2 jours de voyage en gros …
Pour la petite histoire, ce qui va influencer la suite de mon aventure, c’est que je me pointe au port en pensant prendre un bateau pour la ville principale de l’archipel des Togians sauf que non. Il y a seulement un bateau qui va au bled de Lebiti, petit problème il n’apparaît sur aucune carte, aie, je comprends plus ou moins qu’il va sur les Togians. Tant pis, je saute dans le bateau, ou je me fais direct copain copain avec le capitaine. Bah oui un étranger a bord c’est l’évènement. J’arrive donc a Lebiti, pas d’hôtel rien seulement un petit village au bord de la mer qui s’étend dans les terres.
Je me fais héberger par une famille dans une maison sur piloti a cote du ponton et surtout vu sur la mer. Epuisé je m’endors pour me faire réveiller dés 4h30 par le marché. Je me rendors plus ou moins malgré le bruit du a l’excitation du marché, a seulement 5m de ma tête ahahahhh.
A 7h je pointe le nez dehors et je découvre un petit marché coloré qui rassemble les habitants des alentours une fois par semaine. C’est le moment de faire le plein de piments, tomates, ustensiles, épices, poissons et surtout de vendre ses productions. Je découvre une vie locale qui s’organise quasiment coupée du monde. Au final, je m’y sens bien les gens sont adorable et l’atmosphère agréable. Par contre défi personnel personne ne parle anglais. C’est le moment de tester mes petites bases d’indonésiens. Avec surprise, j’arrive grosso modo a me faire comprendre. Et donc me voila parti pour 11 jours d’immersion totale en Indonésien. Waoooouuu je peux vous dire que le soir je tombe comme une mouche !
Je passe en mode fouine, et j’arrive a dégoter le nom d’un bled qui rassemble d’après ce que je comprends une communauté de Bajau.
Je fais des sauts de puces a bord de pirogues a balancier pour arriver dans un lieu magique. Sous mes yeux c’est quelques milliers (2000 personnes environ) de Bago qui vivent sur piloti au dessus d’une mer émeraude, translucide ou les coraux sont a fleur d’eau. J’arrive a me faire héberger par un des profs du village : Fadli, un mec de 30 ans juste adorable avec un sourire accroché aux lèvres qui rend heureux tout de suite. C’est aussi dans sa famille, qui m’adopte, que je commence a comprendre leur mode de vie.
Les Bajau des iles Togians ont arrêté d’être nomade depuis environ une cinquantaine d’années pour développer de petites communautés qui vivent exclusivement de la pêche. C’est un peuple de pêcheurs incroyable qui partent chaque jour pêcher le précieux poisson qui leur permet de se nourrir mais aussi de maintenir une activité commerciale (avec Makassar et la Chine !). C’est donc une vie simple, dans un cadre idyllique que ce peuple entretien un rapport particulier avec la mer.
Le tableau n’est pas tout bleu, il y a 20 ans, certains pêcheurs ont été tenté par la pêche a la dynamite et au cyanure. Ce qui a fait pas mal de dégâts surtout au niveau des coraux et aux abords des mangroves (nurserie). Heureusement, aujourd’hui la plupart des pêcheurs avec qui j’ai discuté dénoncent cette pratique et sont fiers de leurs méthodes de pêche traditionnelle. En effet, c’est une pêche traditionnelle a la ligne ou avec de petits filets. Je suis moi-même allé pêcher, les ressources halieutiques sont riches mais la guerre est juste, on ne ramène pas de grosses prises tout les jours. C’est donc embarqué a bord d’une pirogue au milieu d’ilots paradisiaques, de dauphins, de tortues (qu’ils mangent), en compagnie d’un pêcheur adorable que j’ai sorti mon premier « Ikan Super ». J’ai pas tout de suite compris que c’était le poisson le plus cher de la région.
25 euro le kilo directement exporté en Chine. Je me demande bien combien, ils le vendent la bas ?
Sous mes yeux, c’est un mode de vie fascinant qui s’organise au rythme de l’eau, tout en ayant un impact encore très faible sur cet écosystème incroyable. Deux choses m’ont frappé c’est l’attrait pour la modernité. Les Bagios veulent des maisons en dur, la solution c’est des fondations a base de coraux. Ca déchire le cœur de voir des tonnes de coraux arrachés pour construire la base des maisons. En meme temps, peut-on leur en vouloir, comme partout dans le monde, l’etre humain cherche a ameliorer ses conditions de vie. J’aime a croire qu’ils vivent dans cet ecosysteme depuis des centaines d’annees, et qu’ils en font parti … j’espere que cette pratique n’a qu’un impact limité du a l’immensite des fonds de la region. Autre fait, qui n’est pas caractéristique des iles Togians c’est le probleme des déchets plastiques. Comme un peu partout en Indonesie, les déchets sont directement jetés autour du lieu de vie. Heuresement, c’est encore que tres peu de plastique. Je leurs ai conseillé de le bruler, a mon sens c’est la meilleure solution immediate. Je quitte les SukuBagio pour retourner sur la terre ferme et comprends apres une semaine passée dans les iles que deux peuples se cotoient sans vraiment avoir de contacts autre, que de se croiser : les SukuBajau qui vivent de la mer et les SukuTogians qui vivent de l’agriculture.
C’est avec fascination que je suis confronté a deux modes de vie complétement different. Un depend de la mer et l’autre de la terre.
Ce peuple de la terre trouve son alimentation dans les environs du village; noix de coco, differents legumes (que je ne connaissait pas), poulets et etc. Quand a eux ils vivent de la culture de clou de girofle, muscade, vanille, poivre etc. C’est le commerce de ces epices si precieuses qui a poussé les Pays-Bas a coloniser l’Indonesie établissant un monopole. C’etait il y a plus de 400ans, et se sont ces epices qui ont contribuer a l’enrichissement de la Hollande. Aujourd’hui ces epices ont perdu de leurs valeurs d’antan, cependant elles permettent encore a des populations reculées d’en vivre. Et c’est principalement grace au clou de girofle, pourquoi ? L’Indonesie est un pays de fumeurs. Ils ont comme particularite d’aimer les Kretek : cigarette a base de clou de girofle, qui donne un gout plus leger et qui fait crépiter les cigarettes. C’est avec l’industrie du tabac que cette épice a repris de la valeur surprenant ! Les SukuTogians cultivent ces precieux clou qu’ils font secher pour apres les exporter a Java et etre transformés en cigarettes. C’est une culture traditionnelle, sans engrais, ni pesticide et c’est perché sur des échelles de bambou gigantesque qu’ils récoltent les clous. A l’ombre de ces meme arbres poussent des piments, racines et légumes tout ce qu’il faut aux habitants pour se nourrir.
Ce séjour chez les Togians m’a permit de réaliser que les indonesiens savent cultiver et vivre de maniere durable depuis des milliers d’annees. Ils sont tres facilement auto suffisant en exploitant de petites parcelles ou la mer en prélevant les matériaux et les aliments nécessaires a une vie simple et équilibre.
Et c’est ce mode de vie qui est partagé par plus de la moitié de la population. Je commence a me rendre compte que l’Indonesie est le terrain de jeux de multinationales qui courrent apres des matiéres premieres bon marché. C’est l’image meme de la mondialisation qui a commence il y a 40ans, et qui veut repondre a des besoins extérieur au pays. L’exploitation des ressources ne bénéficie que trés partiellement aux indonesiens. Ces ressources sont destinées a la production de produits qui ne leurs seront meme pas destinés.